- BRONGNIART (ALEXANDRE THÉODORE)
- BRONGNIART (ALEXANDRE THÉODORE)BRONGNIART ALEXANDRE THÉODORE (1739-1813)Architecte français. Passé à la postérité grâce au palais de la Bourse, Brongniart est une figure particulièrement représentative de son temps, dans la mesure où sa carrière épouse les orientations complexes de l’histoire entre la fin de l’Ancien Régime et l’apogée de l’Empire. Élève de Blondel et de Boullée, il acquiert, chez l’un, la maîtrise de cette science très «française» de l’ordonnance et, chez l’autre, une réelle virtuosité du dessin. Échouant trois fois au Prix d’architecture, il se lance, dès 1765, dans l’achat à la Chaussée-d’Antin, alors en pleine expansion, d’importants terrains qu’il revend avec l’obligation faite au nouveau propriétaire de s’adresser à lui pour la construction projetée. Ses relations avec la marquise de Montesson — épouse morganatique du duc d’Orléans pour laquelle il édifie son premier hôtel (1770-1771) — lui assurent la protection de la haute aristocratie et du milieu de la finance. Il reçoit alors de nombreuses commandes: les hôtels Taillepied de Bondi (boulevard Montmartre, 1771), de Mlle Dervieux (rue Chantereine, 1778), de même que les hôtels Bouret de Vézelay (rue Taitbout, 1777) et de La Massais (rue de Choiseul, 1778), puis un groupe de maisons (rue Neuve-des-Mathurins, 1776).Si l’urbanisme haussmannien a supprimé ces grands hôtels comme ces «petites maisons» édifiées pour des danseuses et des chanteuses d’Opéra, c’est sur la rive gauche, autour du boulevard des Invalides, qu’il faut chercher le souvenir de Brongniart. En tant qu’architecte de l’École militaire et des Invalides (1782-1792), il a donné à ce quartier sa physionomie actuelle par le tracé de la place de Breteuil et des avenues alentour. Après la construction de l’hôtel de Monaco, rue Saint-Dominique (1774-1777), il obtient, grâce à l’appui de M. de Montesquiou, de faire percer la rue Monsieur et réalise ainsi une fructueuse opération immobilière, concrétisée par les hôtels de Montesquiou (1781), de Bourbon-Condé (1782) et sa propre demeure, au coin du boulevard des Invalides et de la rue Oudinot (1782). Si les premiers hôtels de style Louis XV, entre cour et jardin, restent très traditionnels, les hôtels Masseran et Boisgelin (1787-1789) dénotent en revanche un goût néo-classique plus prononcé, où se manifeste l’influence d’un palladianisme tempéré. Les ailes des communs disparaissent, la façade sur jardin, percée de baies en plein cintre avec un portique à colonnes (hôtel de Bondi), laisse la place à une stricte élévation, rythmée seulement par des lignes de refends et des pilastres d’ordre colossal. Brongniart conçut aussi la décoration intérieure de ses hôtels. Il exécute notamment, en étroite collaboration avec le sculpteur Clodion, la salle de bains de l’hôtel Chanac de Pompadour, célèbre nymphée à la mode antique.La Révolution ne marque pas de réelle coupure dans la carrière de Brongniart. De Bordeaux (1793-1795), il dessine de superbes décors pour des fêtes révolutionnaires et un curieux projet d’arc des Sans-Culottes pour le concours de l’an II. De retour à Paris, il conçoit les plans du théâtre Louvois (1791), des projets pour une salle d’Opéra, une Bourse associée au tribunal de commerce, un temple de la gloire dédié à la Grande Armée sur le chantier inachevé de la Madeleine, ainsi qu’un théâtre des Variétés au Palais-Royal. Nommé membre du Conseil des bâtiments civils, il s’occupe ensuite des problèmes techniques posés par l’état de dégradation du Panthéon.L’art des jardins tient une place essentielle dans l’œuvre de Brongniart. Ses nombreux dessins [voir Béatrice de Rochebouët, Inventaire du fonds privé d’archives d’A. T. Brongniart (1739-1813) , université de Paris-IV, 1984] témoignent d’une attention particulière au traitement de l’espace et du paysage et de véritables qualités picturales, suggérant des rapprochements avec son ami le peintre Hubert Robert et avec le paysagiste Claude-Louis Châtelet. À «l’Élysée» de Maupertuis, au Raincy ou à Romainville, il manifeste sa sensibilité pour l’exotique (fabriques chinoises), il sacrifie avec humour au débat sur les origines de l’architecture (variations sur le thème de la «cabane primitive»), enfin il semble ouvrir la voie à une méditation sur le style irrégulier et ses sources vernaculaires (maisons à l’italienne, colombages). Cette profonde expérience du style paysager l’amène à créer le premier grand cimetière de ce genre à Paris: le Père-Lachaise (1807).Dans les modèles de formes et de décors que Brongniart a donnés à la manufacture de Sèvres, dont son fils était directeur, l’architecte révèle un goût similaire pour la couleur et la fantaisie et une tendance naturaliste qui s’expriment dans les fleurs et les oiseaux des tables de porcelaine, des vases monumentaux ou des pièces du service olympique (cadeau de Napoléon au tsar Alexandre).Peu d’édifices publics illustrent la carrière de Brongniart. Le couvent des Capucins (lycée Condorcet), où il emploie le dorique de Paestum, montre son adhésion, sous le règne de Louis XVI, aux aspects les plus avancés du néo-classicisme. En 1789, il participe, avec Antoine, Ledoux et Bélanger, au concours pour une Caisse d’escompte, rue de Louvois. Enfin, sous l’Empire il dessine les plans de la Bourse, symbole de la grandeur du Paris de Napoléon, œuvre qu’il ne verra jamais achevée.L’ensemble de l’œuvre de Brongniart, restée longtemps méconnue, jusqu’à l’exposition du musée Carnavalet en 1986 (Alexandre Théodore Brongniart, architecture et décors ), atteste, par son extraordinaire diversité, du talent de cet artiste si fécond qui contribua à façonner le visage de Paris.
Encyclopédie Universelle. 2012.